Tension entre Alger et Paris: Tebboune ne décolère pas...
Le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, a prévenu, ce samedi, qu'il ne fera pas "le premier pas" pour tenter d'apaiser les tensions, provoquées par des propos critiques d'Emmanuel Macron sur la "nation" algérienne.
"Je n'ai pas de regrets. Macron a rouvert un vieux conflit, de manière totalement inutile", dénonce le dirigeant algérien, dans une interview accordée à l'hebdomadaire allemand Der Spiegel.
"Si (le polémiste d'extrême droite Eric) Zemmour dit quelque chose comme ça, qu'importe, personne ne fait attention. Mais quand un chef d'État déclare que l'Algérie n'est pas une nation distincte, c'est très grave", fustige-t-il.
Dans ces conditions, "je ne serai pas celui qui fera le premier pas", prévient le chef de l'Etat algérien. "Sinon je vais perdre tous les Algériens, il ne s'agit pas de moi, mais d'un problème national".
"Aucun Algérien n'accepterait que je contacte ceux qui nous ont insultés", explique M. Tebboune.
Pour rappel, Macron avait déclenché la colère d'Alger, après des propos, rapportés le 2 octobre par le quotidien Le Monde, accusant le système "politico-militaire" algérien d'entretenir une "rente mémorielle", en servant à son peuple une "histoire officielle" qui "ne s'appuie pas sur des vérités".
D'après Le Monde, le président français avait, également, affirmé que "la construction de l'Algérie, comme nation, est un phénomène à regarder. Est-ce qu'il y avait une nation algérienne, avant la colonisation française? Ça, c'est la question (...)".
"On ne touche pas à l'histoire d'un peuple et on n'insulte pas les Algériens", déplore le président algérien, dans l'interview.
"Pourquoi (Macron) a-t-il dit ça ? Je pense que c'était pour des raisons électorales stratégiques", estime Tebboune.
"C'est le même discours que le journaliste d'extrême droite Éric Zemmour utilise, depuis longtemps: l'Algérie n'était pas une nation, c'est la France qui en a fait une", fait-il valoir.
Selon Tebboune, "avec cette déclaration, Macron s'est placé du côté de ceux qui justifient la colonisation".
Existe-t-il une perspective de dénouement avec la France?, l'interroge le Spiegel. "Non, si les Français veulent aller au Mali ou au Niger maintenant, ils devront juste faire neuf heures de vol au lieu de quatre", rétorque Tebboune, assurant toutefois qu'une "exception" serait faite pour "le sauvetage de personnes blessées".
"Mais pour tout le reste, nous ne sommes plus obligés de coopérer les uns avec les autres, c'est peut-être terminé maintenant", prévient-il, accusant Macron d'avoir "porté atteinte à la dignité des Algériens".
Tebboune se dit prêt à venir en aide au Mali si le pays, en proie à l'extension de groupes terroristes, "le demande".
"L'ONU peut se tourner vers nous ou même vers l'Union africaine. Si les Maliens sont confrontés à une attaque demain, nous interviendrons, à leur demande", assure-t-il.
"Mais nos soldats sont des Algériens qui ont des familles, je ne les enverrai pas mourir pour les intérêts des autres. Assez d'Algériens sont morts dans le passé", tempère Tebboune.
En colère contre Macron, le président algérien loue, par contre, l'Allemagne d'Angela Merkel.
"Les Allemands nous ont toujours traités avec respect, ils n'ont jamais fait peruve d'arrogance et il n'y a pas eu de désaccords, en matière de politique étrangère", salue-t-il, disant "admirer" la "persévérance et la modestie de la Chancelière allemande".
"Je suis vraiment désolé de la voir partir" dans les prochaines semaines, après 16 années au pouvoir, conclut Tebboune, qui avait suivi un traitement médical durant plusieurs mois en Allemagne en 2020 et début 2021.